Présomption d'innocence au Cameroun de Paul BIYA???

Publié le par Joel Didier ENGO

Il faut vivre pour croire et surtout réaliser combien les êtres humains peuvent effectivement avoir des éclairs de lucidité, voire de génie, alors même qu'ils sont plongés dans un abîme obscurantiste...sans fin.

Qui vivra verra!!!


"Cameroun: Affaire(s) Pierre Désiré Engo ou l'imposture permanente

Tome 1: La CNPS sous la direction de Pierre Désiré Engo:

http://www.calameo.com/viewer.swf?bkcode=0000024788354da5cfdcc&langid=fr

Tome 2: Le Dossier Judiciaire:

http://fr.calameo.com/books/000002478881390106930

Tome 3: Pierre Désiré ENGO s'explique:

http://fr.calameo.com/books/000002478fb73d9192187

Tome 4: Affaires Colatérales:

http://fr.calameo.com/books/0000024781526f9863f3a


La lettre

02 Mar 2009

Présomption d'innocence

Dans le discours de Martin Rissouck à Moulong, procureur général près la Cour suprême lors de l'audience de rentrée solennelle pour l'année 2009 prononcé jeudi dernier, il y avait bien plus qu'une certaine exaspération devant ce qu'il a considéré comme les dérives répétées de la presse dans son travail quotidien d'information du public. Intervenant après le vice-Premier ministre en charge de la Justice et le ministre de la Communication ces dernières semaines et, surtout, après le procureur général près la Cour d'appel du Centre le 12 juin dernier qui rappelait à l'ordre les hommes de médias, s'étonnant de ces " informations confidentielles relatives aux procès en cours dans le cadre de l'opération Epervier [qui] se retrouvent régulièrement à la Une des journaux et sur les ondes des radios avant d'avoir reçu le visa du procureur ", le propos de M. Rissouck à Moulong avait des allures de fin de récréation.

A dire vrai, les arguments ne manquent pas pour condamner les nombreuses dérives relevées ces dernières années dans le travail des journalistes : régulières atteintes à la vie privée, enquêtes paresseuses débouchant rapidement sur la condamnation de personnalités, accusations graves contre des personnalités sans éléments tangibles et sans aucun souci de recoupement ou d'équilibre de l'information divulguée, pourtant accompagnée d'articles d'opinion culpabilisant déjà ces derniers... Mais ce qui a le plus marqué M. Rissouck à Moulong, c'est bien les procès verbaux des auditions faites par les officiers de police judiciaire qui se retrouvent dans la presse.

En filigranne, il a posé le problème des fondements et de la couverture par les médias de l'opération Epervier, entourée d'un halo de mystère depuis son lancement. Or, comme nous le relevions dans ces mêmes colonnes lundi le 16 juin 2008: "Nous avons certes les lois que nous avons et que nous méritons sans doute, mais en quoi une instruction de cette nature peut-elle être classée secrète dès lors que l'action publique a été déclenchée, que les pouvoirs publics reconnaissent qu'il y a une énigme à éclaircir et que les populations réclament leur droit à l'information sur ce qui se passe dans leur pays?

On ne peut pas nier, au demeurant, que dans le tourbillon de ce qu'on a baptisé l'opération Epervier, des rumeurs et informations de toutes sortes, parfois sans arrière pensée de manipulation ou de règlement de comptes entre pontes du système, sans doute dans la perspective d'une prochaine succession à la tête de l'Etat, inondent la presse au point de dérouter citoyens et pouvoirs publics. Mais n'est ce pas à ce niveau qu'il faut interpeller le sens du professionnalisme des médias, qui doivent s'assurer de la qualité de leurs sources et de l'équilibre de l'information rendue publique? Et surtout, mettre à leur disposition des déclarations officielles sur le déroulement de ces affaires, permettant ainsi de couper l'herbe sous les pieds de ceux qui veulent répandre des rumeurs en leur prêtant les vertus des informations?"

Dans la même réflexion, nous indiquions ce que nous quafilions de ponce-pilatisme du communiqué du procureur général près la Cour d'appel du Centre, que semble avoir confirmé M Rissouck à Moulong : "S'il met en garde les journalistes contre les dangers auxquels ils s'exposent en cas de non respect des lois de la République dans l'exercice de leur métier, il ne fait à aucun moment allusion à ceux qui mettent ces informations à la disposition des journalistes. Autant dans le fonctionnement d'une société il ne peut y avoir de corrompus sans corrupteurs, autant dans la situation actuelle, la presse ne peut " inventer " des procès verbaux qui ne lui sont destinés, pour exploitation et publication, que soit par ceux en charge des enquêtes, soit par ceux auprès de qui on enquête. Il aurait été plus logique de contrôler davantage les circuits de sortie ou de fuite des informations, plutôt que d'essayer de bloquer les canaux, bien plus vastes, par lesquels ces informations sont portées au public."

Du coup, dans son traitement par les médias, la sortie du procureur général près le Cour suprême a éclipsé celle, pourtant symboliquement plus importante, du président de la Cour suprême, Alexis Dipanda Mouelle qui a procédé à un véritable cours magistral sur l'application du nouveau code de procédure pénale et, en réalité, ses nombreuses dérives constatées dans le cadre de l'actuelle opération Epervier, qui semblent remettre en cause la notion de présomption d'innocence, et qu'il est peut-être temps de corriger. Entre arrestations spectaculaires portant atteinte à la dignité des individus, détention provisoire pour des personnalités justifiant de domiciles assignables, non respect des délais de détention provisoire, il a fait une première déclaration officielle confirmant qu'il y a bien un malaise dans la conduite des procédures judiciaires contre d'anciens membres du gouvernement, et qui pose un problème sérieux de respect des droits de l'homme. Bien plus grave que celui des journalistes qui ne sauraient être pris pour des boucs émissaires de luttes intestines pour le contrôle du pouvoir.

La rumeur, la désinformation et la manipulation ne prennent de l'importance dans une société que là où l'information n'est pas disponible. Même M Rissouck à Moulong l'a reconnu en exhortant le juge d'instruction ou le procureur de la République à porter aux médias les informations utiles, par diligences publiques ou à travers des communiqués. C'est la preuve, et nous l'avons déjà rappelé, qu'une réflexion mérite d'être menée, probablement en coordination entre la magistrature, la police et la gendarmerie, pour plus de cohésion dans les actions, mais surtout dans le strict respect du droit à l'information des concitoyens que tout le monde est sensé servir.

Par Alain B. Batongué
Mutations
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