Mai, le mois le plus beau

Publié le par Joel Didier ENGO


 

 Par Marie Louise Eteki-Otabela



Pas plus que le 8 mars n’est la journée de la fête des femmes, le 1er mai n’est pas la fête du travail mais la journée de commémoration des luttes des travailleurs. L’origine et la signification libertaires du Premier Mai sont désormais tombées dans l’oubli. Cette date est pourtant un événement majeur de l’histoire du mouvement ouvrier et, plus particulièrement, de l’anarchisme, que nous commémorons désormais sans en connaître la signification originelle.

Abolir le capitalisme


Syndicats : un 1er Mai unitaire mais risqué<br/>


Le 1er Mai 1886, les ouvriers de Chicago, lancent un mot d’ordre de grève générale. La grève est abondamment suivie, dans le calme. Au moment où les travailleurs se dispersent, deux cents policiers chargent les manifestants : il y aura un mort et des dizaines de blessés. Les travailleurs luttent alors pour la journée de 8 heures de travail sans perdre de vue que le véritable objectif du mouvement ouvrier est l’abolition du salariat. Née à Londres en septembre 1864, la première Association internationale des travailleurs, dite première “ Internationale ”, a servi de creuset aux idées et disciples de Karl Marx qui avait mis sur pied, deux décennies auparavent, la ligue des communistes, dont le Manifeste du parti communiste (1 848) constituait le programme.


La liberté y est définie comme condition essentielle du déploiement et du développement de “ l’intelligence, de la dignité et du bonheur humains ” donc une conception plus large de la liberté. Mise en application d’abord lors de la Commune de Paris (en 1871), puis avec la révolution russe (1917-1921), cette belle conception de la liberté ne va pas survivre à l’épreuve des faits. De la théorie de la spontanéité au Goulag en passant par la dictature du prolétariat, la social-démocratie (travestie en socialisme africain sous nos cieux)- va épuiser son capital révolutionnaire de mai 36 en Espagne jusqu’en mai 68 en France, à vouloir gérer le capitalisme. C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, la plupart des socialistes perdent toute crédibilité à vouloir prouver qu’ils sont tout aussi capables que les gens de droite de gérer l’économie au moment même où ce système économique est par terre et fait la preuve de ses limites.


Quand nous proposons d’abolir le décret 501 qui créé et institutionnalise l’Etat au Cameroun…c’est d’abord pour marquer notre volonté de rupture avec l’impérialisme qui nous a imposé cet Etat. Plus qu’une rupture, il s’agit pour nous d’aller plus loin que les communards dans le sens de la décentralisation, plus loin que les bolchéviques dans le sens de l’autogestion des réformes nécessaires que nous avons énoncées tant de fois dans tous nos partis. La crise actuelle devrait être pour nous, en ce mois de mai, non pas l’occasion de “ refonder le capitalisme ” comme le disent certains… mais véritablement l’occasion d’entreprendre une révolution économique dans nos modes de production, de commercialisation et de redistribution de notre richesse nationale. Il s’agit en réalité de libérer nos forces productives, pour donner libre cours à notre capacité d’agir.

Abolir le totalitarisme

 


Comme la révolution française de 1789, la révolution qui a lieu en Russie en octobre 1917 trouve sa source dans les révoltes populaires de 1905 et tout particulièrement dans ces conseils ouvriers -appelés Soviets- qui y virent le jour. Trotsky ne s’y est pas trompé en disant que “ l’activité du Soviet signifiait l’organisation de l’anarchie ” ! Mais cette dernière révolution fût également préparée par la destitution du Tsar…dès lors que dans ses Thèses d’avril, Lénine rentrant d’exil… lança le slogan :


tout le pouvoir aux Soviets !


Il est reconnu par la suite que la prise de pouvoir par les bolchéviks, le 25 octobre 1917, est essentiellement un coup d’Etat perpétré par un groupe minoritaire et sans réel appui populaire. Devant une économie contrôlée par l’impérialisme étranger-même en crise- devant une Société civile désorganisée et réduite en lambeaux depuis des décennies, il semble difficile aujourd’hui d’envisager notre libération par le Peuple camerounais…


Comment occuper des lieux de production qui nous permettent juste de survivre ? Sous prétexte de salariat, nous avons cultivé depuis toujours l’enracinement d’une servitude volontaire. C’est cette servitude volontaire qui s’institutionnalise sur le plan politique par l’indéfectible attachement à un Président de la république, même laminé par ses équipes successives… Comment mobiliser un peuple réduit en zombies ? Nationalistes et “ socialistes ” se sont épuisés dans l’organisation d’un vaste mouvement populaire ! Les soulèvements et autres révoltes sporadiques sont écrasées dans le sang par une armée en déroute. On nous dit que le pouvoir s’arrache, que l’on ne peut pas faire une omelette sans casser les œufs, etc. Nous sommes enfermés dans une cage avec au-dehors un lion tenu à distance certes, et vous nous dites que pour nous libérer, nous devons ouvrir la cage ?


Pour libérer l’Etat cameounais de ce régime politique, il faudrait juste décider, par exemple le 1er mai, d’en finir avec la servitude volontaire : pourquoi nous devons continuer à défiler à la gloire d’un pouvoir qui reconnaît que tous ses représentants sont soit des voleurs, soit des assassins et qui les met sous verrous les uns après les autres ? Comment pouvons-nous accepter que des ministres à la moralité douteuse continuent à servir de modèles à notre jeunesse ? Comment pouvons-nous continuer à penser que nous avons un gouvernement, une Assemblée nationale ou d’autres structures quand tous les jours les gens qui occupent ces institutions ne cherchent qu’à faire leur coup avant que tout l’édifice ne s’écroule ! Comment acceptons-nous l’idée d’un président de la République qui laissant tous ces problèmes non résolus, tous ces crimes non punis, part tranquillement en vacances alors que les Nations Unies lui renvoient le représentant de notre pays, les menottes au poing ! Nous n’avons plus d’Etat. Ne faut-il pas alors abolir ce qu’il en reste !

Abolir le tribalisme

 

Quand allons-nous arrêter de boire la honte à la face du monde ? Ce n’est pas parce qu’il y a eu un génocide bamiléké qu’il faut d’abord tuer tous les béti. Ce n’est pas parce que le coup d’Etat haoussa a échoué qu’il faut désespérer des généraux béti. Ce n’est pas parce qu’on a pendu le roi des sawa qu’il faut d’abord déposer Biya. Ce n’est pas parce que Um Nyobè et ses compagnons ont tous été assassinés que tous les bassa sont des traitres. Il y a eu des listes des homosexuels, il y a eu des listes de détourneurs de fonds publics. Toutes les tribus y étaient représentées. Car la “ tribu ” est au fondement de ce régime comme la race était au fondement du nazisme… La logique de fonctionnement de l’Etat camerounais, c’est la destruction de tout et ça a commencé en bloquant notre humanité au stade de la tribu. Aussi pour élargir notre espace de liberté, il va falloir commencer par abolir …la tribu.


Avec les techniques modernes de communication, cela ne nous demanderait que trois semaines…le 20 mai, pour que chacune de nos voix compte, pour nous donner les moyens de convoquer l’Assemblée des premières nations. Il nous faut cette cérémonie symbolique pour exorciser ce passé douloureux, au lieu de mettre nos télévisions au service de la tribu en donnant libre cours à un déferlement de vulgarité qui fait le bonheur de nos adversaires. Un peu de décence ! Quelqu’un me rappelait l’autre jour que le féminisme aujourd’hui, c’est l’ordre moins le pouvoir : sauf que je n’aime ni donner ni recevoir des ordres…alors ? C’est à vous de voir.

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 Par Marie Louise Eteki-Otabela
Le Messager

28 avril 2009

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