Cameroun: Contrevérité d'une «élite du pays organisateur»...

Publié le par Joel Didier ENGO

Pr. Jacques Fame Ndongo..."Surréaliste", vous avez dit "Surréaliste"???

"Je constate, par ailleurs, que personne ne parle des députés et des maires qui jouent pourtant un rôle déterminant dans le développement local. Veut-on insinuer que les députés du Sud n’ont rien fait en 26 ans ? Ce serait surréaliste..."Dixit, Pr. Jacques Fame Ndongo, "Le Messager" Le 31-07-2008.

Nul besoin d'insinuer une réalité sudiste palpable et pertinente, Pr. Jacques Fame Ndongo.

Sans tomber dans l'excès, la généralité ou l'amalgame, l'on ne peut décemment soutenir que les députés du Sud (dans leur ensemble) ont eu un rôle déterminant dans son développement local ces dernières 26 années. Comment pourrai-t-il d'ailleurs en être autrement, monsieur le ministre? alors que vous avez personnellement imposé nombre d'entre-eux à l'investiture interne des militants RDPC de la Mvila, puis au vote des populations d'Ebolowa, lors des deux dernières élections législatives.

Et il faudrait être surpris que vos "heureux élus" ne brillent point par leur contribution au développement local? comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement? des hommes et des femmes qui ne doivent leur salut politique et leur députation qu'à votre bon vouloir, ne peuvent se montrer redevables à l'égard des populations du Sud qui ne les ont point choisis, qui ne les ont point élus dans des urnes transparentes....

C'est une logique élémentaire de la politique, de la démocratie...aux ordres.

Là réside certainement l'origine de ce drame sudiste que vous refusez obstinément de voir: l'illégitimité d'une élite (politique) imposée d'en haut à toute une région, qui prétend parler en son nom et surtout "contribuer à son développement local".

Tout le reste n'étant que de la masturbation intellectuelle.

Je vous remercie

Joel Didier Engo



Invité

Dialectique

Fame Ndongo, l’élite et le développement du Sud

A travers son ouvrage Les paradoxes du pays organisateur / Elites productrices ou prédatrices ; le cas de la province du Sud à l’ère Biya (1982-2007), Charles Ateba Eyene, auteur prolifique, populaire et contestataire, relance le débat, entre autres, sur le rôle de l’élite dans le développement local. Hier, 30 juillet 2008, il a accordé une interview au Messager dans lequel il montre que l’élite administrativopolitique du Sud qui n’a véritablement pas mouillé le maillot pour le développement de cette région, utilise Paul Biya comme un bouclier, face aux critiques acerbes du bas peuple et aux oukases de l’histoire. En les interpellant ainsi, Ateba Eyene a probablement voulu les mettre face à leurs responsabilités. Au-delà de cette complainte pour non assistance à région sous-développée, Charles Ateba Eyene a réactualisé le débat sur le rôle de l’élite dans le développement local.

Approché en tant que fils du Sud et membre de l’élite nationale, le ministre de l’Enseignement supérieur et secrétaire à la communication du Rdpc, le Pr. Jacques Fame Ndongo, a déclaré : « Je ne réponds pas à Ateba Eyene ; en revanche je suis prêt à participer au débat sur le rôle de l’élite dans le développement... » Dans l’interview ci-contre, il relève la liberté que chaque membre de l’élite a de décider de sa participation (ou non) au développement de sa localité d’origine.

Depuis quelques semaines, le débat sur la place de l’élite dans le développement du pays refait surface. Comment appréciez-vous ce type de débats, spécifiquement dans la province du Sud ?


« Du choc des idées, jaillit la lumière », a-t-on coutume de dire. Dans un Etat de droit comme le Cameroun, où la liberté d’opinion est garantie, le débat républicain est nécessaire, sinon indispensable, pour consolider la démocratie et densifier le pluralisme d’idées. Ce débat républicain est d’autant plus idoine que, dans l’imagerie populaire, l’élite bureaucratique, administrative ou ploutocratique est censée résoudre tous les problèmes, comme si elle avait une baguette magique. Ce sentiment est particulièrement exacerbé dans la province du Sud qui a vu naître le président de la République : d’aucuns assimilent ce dernier à un thaumaturge, sinon à un chef de région, alors qu’il est le président de tous les Camerounais. Il est donc normal que les diverses conceptions se croisent et se fécondent, dans une perspective dialectique : thèse, antithèse, synthèse. Mais, majoritairement, les populations du Sud savent que la province se développe, avec le concours de tous, et sous la houlette de Paul Biya.

Pour certains, le président de la République a fait une fleur à l’élite du Sud, sa province d’origine, dès son accession à la magistrature suprême en 1982. Mais certains imputent à cette élite la responsabilité du sous-développement apparent dans lequel cette province est maintenue aujourd’hui. Partagez-vous cette analyse ?


Le développement est une oeuvre collective. Il ne peut être induit par un seul individu, une seule strate socioprofessionnelle ou une seule catégorie intellectuelle, économique voire politique. Une synergie des compétences, des moyens et des énergies est nécessaire. Aucun homme n’est simple spectateur. Chaque segment social a sa part de responsabilité dans l’oeuvre de construction nationale. Un agriculteur qui produit 20 sacs de macabo est crédité d’une plus value financière qu’il peut (s’il en a convenance) affecter à un projet de développement, en liaison avec d’autres segments sociaux. L’élite administrativobureaucratique sur laquelle on jette souvent l’anathème n’est qu’un adjuvant qui appuie l’Etat dans sa mission de développement économique, social et culturel du Cameroun. 


Du reste, grâce à l’Etat, la province du Sud (comme toutes les autres provinces) connaît un essor visible et lisible (écoles, lycées, centres de santé, adduction d’eau, électrification rurale, routes bitumées). Un exemple : le Sud compte au moins six lycées dans les villages (Meyo centre, Nkoemvone, Melangue I, Ngoazip, Nkoumadjap – Fong, Koum Yetotan, etc.). Qui vous dit que l’élite administrative et économique n’a guère servi de « facilitateur » dans la matérialisation de ces réalisations dont l’importance n’est plus à démontrer (le capital humain étant le plus précieux) ? Ceci étant, je sais que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire. Mais, chacun devrait mettre la main à la pâte (aux côtés de l’Etat). Comme dit l’adage : une seule main n’attache pas un fagot. Je constate, par ailleurs, que personne ne parle des députés et des maires qui jouent pourtant un rôle déterminant dans le développement local. Veut-on insinuer que les députés du Sud n’ont rien fait en 26 ans ? Ce serait surréaliste.

A votre avis, quel devrait être le rôle de l’élite dans une République, comme le Cameroun ?


L’élite, je l’ai dit, est un « adjuvant » (elle aide l’Etat à inférer le développement, soit directement, soit indirectement). Elle apparaît aussi comme un « facilitateur ». Concrètement, un professeur de mathématiques enseigne, par essence, la géométrie ou l’algèbre à ses élèves (fussent-ils de sa province ou non). Subsidiairement, s’il le souhaite, il peut consacrer une partie de son salaire à des actions de développement économique, social et culturel. Mais, dans l’absolu, il peut décider d’affecter toute sa solde à des dépenses strictement personnelles. Evidemment, l’idéal serait qu’il mène (dans la limite de ses moyens) des actions bénéfiques à la collectivité, car, comme l’écrit Albert Camus dans La Peste, « il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul ». Et Saint-Exupéry d’ajouter : « Etre homme, c’est précisément être responsable, […] c’est sentir, en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde ». L’élite a donc un devoir de solidarité. Mais, elle demeure libre, au plan juridique, d’assumer ou non cette fonction salvatrice. Souvenons-nous du chef-d’œuvre d’Ahmadou Kourouma : «Allah n’est pas obligé ». Par translation, je dirais, « l’élite n’est pas obligée». Mais, sa conscience et l’environnement l’astreignent à participer au développement. Au demeurant, plusieurs Comités de développement sont à pied d’oeuvre dans tous les arrondissements et départements du Sud, afin de consolider l’émergence de la province. Le rôle de Mme Chantal Biya est décisif, dans ce domaine. Chacun le sait.

On se rend compte que la revendication des populations (implication de l’élite dans les projets de développement) est justifiée dans la mesure où des règlements de la République (entrée dans les grandes écoles, entrée dans la Fonction publique, nomination aux postes à responsabilité, …) favorisent la promotion des régions à travers leurs originaires. Quel commentaire faites-vous de cette observation ?


Il n’y a aucun lien de causalité entre l’admission à un concours (mérite personnel) et l’obligation de développer sa région. Un fonctionnaire issu d’une grande école peut décider de consacrer son salaire à l’entretien de son épouse et de ses enfants. Aucune prescription réglementaire ou législative ne l’astreint à un devoir de développement régional. Il s’agit d’une obligation environnementale et morale (c’est pourquoi j’ai cité Albert Camus il y a un instant). Certes, l’on peut évoquer le communautarisme africain. Mais, vous voyez bien que nous sommes là en plein humanisme, personnalisme (Emmanuel Mounier) ou libéralisme communautaire (Paul Biya).

Un auteur prolifique (Ateba Eyene en l’occurrence) vient de publier un livre dans lequel il affirme que le Sud a une élite prédatrice qui a usé de prévarication pour s’enrichir de façon égoïste alors même qu’en nommant à des postes à responsabilité, le président Biya voulait en fait la rendre capable de soutenir le développement de la région. Cette analyse vous paraît-elle juste?


Il existe des milliers de fonctionnaires, cadres et agents de l’Etat originaires du Sud qui travaillent avec compétence, abnégation et ardeur patriotique. Je me garde donc des généralisations hâtives. Vous connaissez l’adage : « Une hirondelle ne fait pas le printemps ». En outre, l’élite (éligere : choisir, en latin) ne se limite pas à la haute administration ou à la sphère politique. Un artisan qui excelle dans son labeur est membre de l’élite. Il peut participer au développement de son quartier ou de son village. Un professeur de physique peut faire des répétitions pendant les vacances aux élèves de sa collectivité, etc. Et plusieurs enseignants le font. C’est une activité de développement culturel. Dira-t-on que ces enseignants soient des prédateurs, alors qu’ils partagent gratuitement leur savoir ? A-t-on mené une enquête pour vérifier si tel centre de santé construit dans un village ne l’a pas été à la diligence de tel sous-directeur ou chef de service dans un ministère ? Par ailleurs, un directeur dans une société publique ou privée a-t-il pour mission d’affecter tous les projets de développement à sa province ? Ce serait une attitude antirépublicaine, nombriliste et narcissique. A Ebolowa, le président Paul Biya déclarait, le 6 septembre 1991 : « Le Renouveau n’a pas de coloration régionale ». Il n’a jamais demandé à un haut cadre de développer sa région, au détriment d’une autre, car nous sommes, avant tout et pardessus tout, des Camerounais (indépendamment de nos provinces d’origine).

Vous êtes l’éditorialiste d’une revue, Sud Avenir, qui recense un certain nombre de réalisations faites dans la province du Sud avec Paul Biya. Pensez-vous, sincèrement, que Paul Biya a apporté quelque chose au bas peuple du Sud, au-delà des projets que vous présentez ?


Les réalisations que présente Sud Avenir sont palpables : ponts, routes, centres de santé, lycées, écoles, CES, CETIC, SAR/SM, puits, électrification, etc. Elles contribuent de manière décisive au mieux être du « bas peuple» du Sud. J’aurais pu citer la création de la province, du département de la Vallée du Ntem, des arrondissements, la téléphonie, etc. Et je n’oublie pas les grands projets, (port en eau profonde de Kribi, barrage hydroélectrique de Memve’ele, fer de Mbalam, cimenterie de Mintom, centrale à gaz de Kribi…). Je rappelle qu’Hévecam (redynamisé sous le Renouveau national) est le 3e employeur après l’Etat. 


Vous demandez ce que le président Paul Biya a apporté au Sud, en plus de ces réalisations et projets. Je citerai la démocratie : plusieurs de nos frères et sœurs jadis exilés voire condamnés par contumace (pour des raisons politiques) sont rentrés au Cameroun et nous sommes heureux de vivre avec eux dans nos villes et villages, en toute fraternité, quand bien même nous ne serions pas du même Parti politique. C’est une avancée historique. Je pense à mon frère aîné, le Dr Abel Eyinga, avec lequel j’ai de bons rapports, bien que nos convictions politiques soient diamétralement opposées et lors des élections, chacun défend « mordicus » ses opinions, sans acrimonie ni haine. Je pense aussi à un autre grand frère, le Dr Woungly Massaga. C’est cela le jeu démocratique, tel que le prescrit le président Paul Biya : « Ne nous battons pas ; débattons ». 


Par ailleurs, je peux mentionner la paix. Il fut un temps, dans certaines zones de la province du Sud, où une cultivatrice ne pouvait pas se rendre dans son champ, sans être protégée par un homme armé, car il y avait des « maquisards » ou des « hommes panthères» (« Ze mimfaka », en boulou) qui rodaient. Aujourd’hui, dans la province du Sud, l’on circule librement, l’on vaque normalement à ses occupations. Par ailleurs, le président Paul Biya a sécurisé nos frontières (nous avons trois pays voisins : Gabon, Guinée Equatoriale, Congo Brazzaville) […] Vous savez que la paix est le bien le plus précieux.

Quels sont les enjeux que ces deux publications presque antagonistes charrient, par rapport au positionnement dans l’espace politique au Sud et au Cameroun ?
Elles ne sont pas antagonistes. Elles sont complémentaires et enrichissent le débat démocratique. Elles ne sauraient être sous-tendues par quelque positionnement politique que ce soit, à tout le moins pour ce qui est de Sud Avenir qui a pour objectif d’informer, de former et de réformer, dans le sillage du projet de société de S.E. Paul Biya, président de la République. 

Par Entretien avec Frédéric Boungou et Alain Njipou (Stagiaire)

Le Messager
Le 31-07-2008



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